Pratiquement 30 ans jour pour jour... Emotions
Fin 1977, mes parents obtiennent une réponse favorable à leur demande : nous partons tous les 4 vivre pour deux ans dans un pays qui, du haut de mes 7 ans, me semble si loin, dans une ville dont le nom m'est si difficile à prononcer : N'Djamena.
Nous arrivons sur place, accueillis par la grande famille des expatriés, et nous nous adaptons très vite à cette nouvelle vie : la chasse aux margouillas, l'émerveillement face aux caméléons, les baignades dans le Chari, les concours de pétanque hebdomadaires, les courses au marché, l'école avec la pause citron au pilipili à la récréation, les matchs de volley de mon père où je retrouve mon copain Basile, la messe du dimanche si atypique et les repas à la popotte...
Et puis un jour de Février, des hommes armés investissent l'école. Ils nous libèrent rapidement. Je n'ai qu'à traverser la rue pour rentrer aux "48 logements",fief des expatriés. Là, la tension règne : d'autres enfants sont scolarisés en centre ville, il faut aller les chercher. On entend au loin des déflagrations... Je comprends qu'il se passe quelque chose de grave.
Le mois qui suit je me souviens : des déflagrations, des parachutistes qui sont là pour nous protéger, des rations de guerre, des nuits passées chez Marcel et Joëlle qui vivent au 1er étage (moins de risque de balles perdues), des instructions pour aller se réfugier dans les toilettes en cas de gros boom - seule pièce de l'appartement qui ne donne pas sur l'extérieur - des drapeaux blancs, et également de rires et de jeux car je ne suis qu'une enfant.
Et puis, les rapatriements s'organisent. Un jour de mars, on annonce à mes parents qu'il y a une place dans un avion militaire en partance pour Libreville. Il part quelques heures plus tard. Pour mon bien, pour ma scolarité interrompue depuis un mois, mes parents décident de me faire partir et me confient à un jeune couple que je connais bien qui part aussi.
Je sais pourquoi je n'aime pas les au-revoirs : ce jour là j'ai dit au-revoir à des parents remplis d'inquiétude, ne sachant pas quand j'allais les revoir.
Trajet protégé jusqu'à l'aéroport, voyage en transal jusqu'à Libreville, hébergement dans un hôtel 4 étoiles en attendant des places sur un vol régulier pour la France, arrivée à Roissy Charles de Gaulle accueillie par la Croix Rouge qui distribue des vêtements chauds.
Je garde un formidable souvenir de mon séjour beaucoup trop court au Tchad. Toutefois, en entendant ce qu'il s'y passe aujourd'hui, je ressens beaucoup d'émotion : des images et des ressentis vieux de 30 ans me submergent.
Cet épisode n'a pas découragé mes parent, 4 ans après nous repartions pour au autre pays d'Afrique où nous avons pleinement profité de notre séjour de deux ans.
PS: Ma mère et mon frère sont rentrés quelques jours après moi. Quant à mon père, c'est encore une autre histoire...